Illustration : Jonathan Nicolas

Station#15

2005-2015
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Morceaux choisis : 2005-2015
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Morceaux choisis : 2005-2015

Dix ans d’une petite encyclopédie expérimentale, artistique et sonore de l’histoire des arts, Atelier sonore d’esthétique, École nationale supérieure d’art de Bourges, 2015

90:00

L’Atelier sonore d’esthétique est un séminaire de recherche esthétique, en création sonore, conduit depuis 2005 à l’École nationale supérieure d’art de Bourges, dont le projet est aussi simple que multiple, varié, kaléidoscopique. En effet, les étudiants de L’Atelier sonore d’esthétique produisent des pièces qui, d’une part et avant tout, font chacune la description, le commentaire sémiologique ou l’analyse avec des sons ou la voix, d’une œuvre d’art, toutes disciplines artistiques confondues, relevant du patrimoine, ancien, moderne, contemporain ou actuel. Au fil du temps, ces pièces, ces micro-pièces pourrait-on dire car elles dépassent rarement un format de quinze minutes, constituent dès lors une petite encyclopédie expérimentale, subjective, artistique et sonore de l’histoire des arts. En outre, et c’est l’autre part importante du projet, ces pièces excèdent la question des registres et des genres : fictions radiophoniques, documentaires de création ou compositions musicales, elles participent d’une écriture sonore très ouverte. En témoignent les quatorze morceaux choisis, que nous avons prélevés dans les quatorze éditions ou stations, que ces pièces ont constitué de 2005 à 2015…

Pour commencer cette sélection et son parcours sonore, pour lequel la suite chronologique des œuvres étudiées a été préférée, est proposé un extrait de la quatrième station de L’Atelier sonore d’esthétique, en 2008, L’Église de la Salute d’Antonio Canal, dit Canaletto (1697-1768) traduit en sons par Marco Pillitteri qui a, tout particulièrement, adapté le magnifique escalier qui introduit cet édifice religieux en une cascade de notes électroniques.

En 2010, Arthur Zerktouni produit une pièce – dans le cadre de la neuvième station de L’Atelier sonore d’esthétique – qui est une adaptation musicale de la nouvelle fantastique d’E.T.A. Hoffmann L’Homme au sable (écrit en 1817). Cette transposition a, entre autres qualités, de faire voyager l’auditeur dans différentes atmosphères sonores à partir du langage poétique : telle une odyssée littéraire, matiériste et musicale en aventure.

En 2013, souhaitant suppléer à l’une des écritures sonores que les étudiants sollicitaient peu : l’article radiophonique, je leur propose de travailler sur un ensemble d’écrits inédits que je réalisai à la fin des années 1980, et au début des années 1990, et qui furent, à l’occasion de la treizième station de L’Atelier sonore d’esthétique, accompagnés de la musique expérimentale du groupe Déficit des années antérieures. Une critique d’une exposition de portraits de Pablo Picasso (Picasso visages, Musée Picaso, 1991), et à travers elle une entrée dans le cubisme et les avant-gardes, apparaît alors comme l’introduction à l’art du vingtième siècle de cette sélection… De l’article radiophonique considéré comme un des beaux-arts…

C’est en 2007, dans la troisième station de L’Atelier sonore d’esthétique qu’Arthur Zerktouni crée une œuvre aux frontières de l’audible et de l’inaudible, mais en phase avec l’œuvre d’un surréalisme tardif à laquelle elle se réfère, The Absent Lady, d’Yves Tanguy en 1942. Monochrome jaune, étendue sonore, nappe atmosphérique et vague chromatique constituent dès lors la sonosphère de cette peinture.

Aymeric Larvido, en 2008 dans la quatrième station de L’Atelier sonore d’esthétique s’interroge sur la mobilité, et plus exactement, sur une figure de la circularité ou du tournoiement sonore : les sculptures mobiles d’Alexandre Calder (1898-1976) lui donneront la dynamique de figuration nécessaire à la création de ce mouvement.

Comme l’article radiophonique, l’entretien avec un artiste ou un créateur a du mal à émerger dans des propositions d’étudiants qui privilégient, le plus souvent, la traduction, la transposition, la transcription des œuvres d’art en pièce bruitiste ou matiériste, en fiction sonore, musique électroacoustique ou post-noise. Aussi, fort de ce constat en 2008, je force un peu le destin de la cinquième station de L’Atelier sonore d’esthétique qui sera ainsi consacré à l’écrivain, poète et dramaturge Pierre Bourgeade (1927-2009), contemporain d’un surréalisme de seconde génération, de la naissance du nouveau-roman, de l’aventure de la collection « Le Chemin » dirigée par Georges Lambrichs aux éditions Gallimard, et de la découverte du polar américain le plus sombre, créateur érotomane également. Un Atelier sonore d’esthétique qui sera réalisé en collaboration avec Lorraine de Bartillat, Nikolas Chasser-Skilbeck, Gaëlle Cintré, Jocelyn Villemont et Arthur Zerktouni. S’ensuit l’apparition d’un sujet important, possiblement reliable comme on le verra, ultérieurement, à la question du son dans l’art contemporain : l’histoire du xxe siècle.

Oracle de Robert Rauschenberg réalisée en 1962-1965, en collaboration avec Billy Klüver et Harold Hodges, est une œuvre importante des arts sonores : il s’agit d’une sculpture faite d’objets en métal (montants de fenêtres, portes cassées, baignoire), qui sont des rebuts de la société de consommation, mais pourvus dans cette installation de postes de radio. Et c’est à ces matériaux que Variations sur Oracle de Robert Rauschenberg d’Hernan Zambrano font référence en 2011, dans la station 11.

Entre la bande-son imaginaire de A Bigger Splash, peinture de 1967 de David Hockney, et celle du documentaire du même nom que fit Jack Hazan, mais cette fois sur David Hockney en 1975, Gaëlle Cintré, en 2009 et dans la station 7, réinvente une certaine écoute imaginaire : un film sonore sans image, à écouter les yeux fermés, un film aveugle et pour les oreilles.

Quand, en 2010 dans la station 10, Thomas Giguelay réalise À propos d’Ascension de John Coltrane (1965), c’est un mélange de mix, de sample, de jazz à l’orée du free-jazz, et de récupération de disques trouvés tels que l’art poétique bricolé de Robert Filliou aurait pu la donner à entendre, c’est donc un tel mélange qui se construit : dans l’art, aussi, des machines sonores.

C’est en 2005, dans la première station de L’Atelier sonore d’esthétique, que Yan St-Onge, accompagnée de Maïwenn Grall, réalise Eva Hesse, Accession II, 1967. En même temps qu’il expérimente, d’un point de vue sonore, les matériaux industriels, dépréciés, bouchés qui font le sel poétique des sculptures de Eva Hesse, il introduit dans L’Atelier sonore d’esthétique une notion qui, à l’avenir, devra beaucoup nous intéresser, le journal intime.

Le journal sonore est un genre esthétique en soi, et, en 2007, la troisième station de L’Atelier sonore d’esthétique proposait So, journal berlinois de Léonore Mercier – entre fiction radiophonique et cinéma pour l’oreille : une micro-autobiographie sonore, littérale et onirique.

Avec No-Things, à propos de Gordon Matta-Clark, dans la station 2 de L’Atelier sonore d’esthétique en 2006, c’est la notion de trouée, de déflagration, de creux et de percée qui est articulée, par Yann Legay, tant du point de vue sonore que des œuvres de Gordon Matta-Clark.

« Ce projet, écrit Jocelyn Villemont pour présenter Electrophilia ten years after dans la station 7 de L’Atelier sonore d’esthétique, est la reconfiguration, en 2009, de l’extrait d’un concert donné à la chapelle de l’École nationale supérieure d’art de Bourges en mars 1999 par Steven Parrino, dans le lieu même (et en respectant l’endroit de diffusion et la place du spectateur pour l’enregistrement). La chapelle sert ici de pédale d’effet avec dix ans de Delay. Le résultat est de l’ordre de l’inframince, et la mise en résonance de l’espace provoque la déflagration de l’information dans le temps, à l’intérieur de cet ancien lieu de célébration. »

Enfin, l’histoire du xxe siècle fait retour avec le son, l’image et le son, dans ce montage de montages que nous vous proposons pour conclure. Il s’agit, en effet, d’un entretien avec le cinéaste Vincent Dieutre dans La Voix-dictaphone, station 14 de L’Atelier sonore d’esthétique réalisée en 2014 avec Nina Marchand, Jonathan Nicolas et Ludovic Renaud. Cet extrait de L’Atelier sonore d’esthétique met ainsi en relation les commentaires du cinéaste sur, d’une part l’un de ses films fait en Italie Bologna Centrale en 2003 (qui fut préalablement un ACR-Atelier de Création Radiophonique de France Culture), et d’autre part un autre film de lui, réalisé la même année en Allemagne, Mon Voyage d’hiver. À chaque fois, le son, l’image et le son, l’image, le texte et le son sont les acteurs de ses films mais aussi de l’histoire du xxe siècle.

A. C.

*

Morceaux choisis : 2005-2015 – Dix ans d’une petite encyclopédie expérimentale, artistique et sonore de l’histoire des arts, Atelier sonore d’esthétique, École nationale supérieure d’art de Bourges, 2015, 90.00.

Pièces sonores : Gaëlle Cintré, Thomas Giguelay, Aymeric Larvido, Yann Legay, Nina Marchand, Léonore Mercier, Jonathan Nicolas, Marco Pillitteri, Ludovic Renaud, Yan St-Onge, Jocelyn Villemont, Hernan Zambrano, Arthur Zerktouni.

À propos d’œuvres de : Canaletto, E.T.A. Hoffmann, Pablo Picasso, Yves Tanguy, Alexandre Calder, Pierre Bourgeade, Robert Rauschenberg, David Hockney, John Coltrane, Eva Hesse, Gordon Matta-Clark, Steven Parrino, Vincent Dieutre.

Lecture : Maïwenn Grall dans Eva Hesse, Accession II, 1967 de Yann Saint-Onge.

Extrait : Mon Voyage d’hiver de Vincent Dieutre (2003).

Groupe de réalisation :
Luc Escaffre, Nina Marchand, Jonathan Nicolas, Ludovic Renaud, Jon Haure-Placé, Pablo Paz-Bardet, Stéphane Joly et Alexandre Castant.

Voix : Gabrielle Grenier, Nina Marchand.

Illustration : Jonathan Nicolas pour L’Atelier sonore d’esthétique 2015.

Remerciements : Jean-Luc André, Stéphane Beaudonnet, Anne-Laure Chamboissier, Philippe Franck, Stéphane Joly, Nadia Lecoq, Jean-Michel Ponty, Antoine Réguillon.

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Sommaire audio

1. Générique de début & Introduction.

2. L’Église de la Salute d’Antonio Canal, dit Canaletto (1697-1768), par Marco Pillitteri, 2008.

3. Nathanaël, Variation sur L’Homme au sable d’E.T.A. Hoffmann (1817), par Arthur Zerktouni, 2010.

4. Picasso visages, Musée Picasso, 1991, par Alexandre Castant, 1991 & 2013.

5. The Absent Lady d’Yves Tanguy (1942), par Arthur Zerktouni, 2007.

6. Citation 1, Alexander Calder (1898-1976), par Aymeric Larvido, 2008.

7. L’Homme à la cravate à têtes de cheval, des immortelles et un jockey, entretien avec Pierre Bourgeade, écrivain, poète, dramaturge, essayiste, par Lorraine de Bartillat, Gaëlle Cintré, Jocelyn Villemont, Arthur Zerktouni, Nikolas Chasser-Skilbeck & A. C., extrait, 2008.

8. Variations sur Oracle de Robert Rauschenberg (1962-1965), par Hernan Zambrano, 2011.

9. A Bigger Splash de David Hockney, par Gaëlle Cintré, 2009.

10. À propos de Ascension de John Coltrane (1965), par Thomas Giguelay, 2010.

11. Eva Hesse, Accession II, 1967, par Yan St-Onge, 2005.

12. So, Journal berlinois, par Léonore Mercier, 2007.

13. No-Things, à propos de Gordon Matta-Clark, par Yann Legay, 2006.

14. Electrophilia ten years after (Steven Parrino), par Jocelyn Villemont, 2009.

15. La Voix-dictaphone, entretien avec Vincent Dieutre, cinéaste, par Nina Marchand, Jonathan Nicolas, Ludovic Renaud & A. C., extrait, 2014.

16. Générique de fin.

Morceaux choisis : 2005-2015